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vendredi 7 mai 2021

« La grande évasion » : ou l'apologie du libéralisme économique ?

Bonjour à tous

Rares sont les films de guerre qui ne racontent pas un projet mis en œuvre par les protagonistes. En 1963, John Sturges réalise La grande évasion, adapté du livre de Paul Brickhill relatant des faits réels, même si James Clavell et W.R. Burnett durent apporter des éléments dramaturgiques permettant un récit cinématographique plus clair. Le film qui rassemblait trois des 7 mercenaires  de Sturges, et toujours avec la musique géniale d'Elmer Bernstein, fut un succès considérable, les spectateurs se passionnant par l’organisation de l’évasion de masse des prisonniers d’un Stalag du IIIe Reich, situé en Pologne actuelle, offrant quelques séquences cultes autour de personnages tous incarnés par d’immenses acteurs. Mais au-delà de ce récit historique, en quoi les spectateurs, dont la majorité n’a pas été prisonnier de Stalag, ont-ils pu se retrouver ? Et si cette histoire n’était qu’une parabole dénonçant l’antilibéralisme ?

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Un groupe sous contrôle

Un camp de prisonniers est par définition constitué de deux catégories principales d’individus : les prisonniers et ceux qui gardent les prisonniers. Ce qui peut apparaître comme une tautologie est néanmoins à mieux analyser. En effet, ces deux catégories se subdivisent elles-mêmes en deux groupes. Chez les gardiens, il y a ceux qui commandent, les officiers, et il y a les exécutants. Chez les prisonniers, cette même distinction existe, à ceci près que les officiers ne décident de rien mais bénéficient de privilèges dus à leur grade.

Le film montre ainsi que le groupe des prisonniers se définit d’abord par la réduction de ses libertés. Bien-sûr celle de pouvoir franchir les limites du Stalag ou l’impossibilité de pouvoir échanger avec l’extérieur sans la validation de ceux chargés de les surveiller. Mais à l’intérieur de celui-ci, ce sont aussi les contraintes de circulation à certains moments de la journée, le tout rythmé par les sirènes des gardiens, l’interdiction de certaines activités ou au contraire l’obligation de produire pour ceux que représentent les gardiens du camp.

À plus d’un titre, certains pourraient y reconnaître le monde de l’usine, surtout celui de l’avant-guerre. En effet, quelques soient les compétences des individus, ils sont tous logés à la même enseigne. Si les officiers ont des privilèges, ils sont astreints aux mêmes privations de liberté que les autres. En un sens, les compétences individuelles de chaque prisonnier sont complètement ignorées par le système qui ne demande d’eux que de se soumettre en admettant la limitation de leur liberté et à ne pas faire valoir leurs talents spécifiques.

Un groupe est une somme d’individus

Si le point-de vue du film se limitait à celui des gardiens, toute forme d’individualisme apparaitrait comme une remise en cause de l’ordre établi. Et donc une rupture dans le projet assigné aux habitants du camp. Or le film s’attache au contraire à montrer que ce groupe voulu uniforme et soumis est constitué d’individus ayant soif de liberté et ayant des talents leur étant propres.

L'autorité des gardiens passe par la soumission des individus en veillant à ce qu’ils ne puissent constituer un groupe solidaire. C'est pourquoi ils isolent les récalcitrants comme le capitaine Virgil Hilts alias « le roi du frigo » qui ne cesse de vouloir s’évader. Les gardiens nazis l’identifient comme un individualiste qui nuit au confort relatif du groupe et de fait à la quiétude du camp. Le début du film montre de ce point de vue que les individus ont des aspirations qui peuvent être communes, recouvrer la liberté, mais des motivations et des objectifs différents. En isolant ceux qui mettent en œuvre leur projet d’évasion individuelle, les gardiens maintiennent donc le groupe dans une logique de division dont le seul point commun pouvant souder le groupe est la soumission aux ordres. Du point de vue du management, cela induit un renoncement des individus à leurs envies propres ainsi qu’à l’usage de leurs talents pour satisfaire un projet collectif imposé par ceux leur ôtant et la liberté et l’expression de leur talent.

Faire des individus un groupe pour un projet commun

Une fois les talents de chaque prisonnier identifiés dans le film, celui qui sait creuser, celui qui sait faire des faux papiers ou celui qui analyse les moyens d’évacuer la terre de tunnels creusés, Sturges s’attarde alors sur les talents de manager des officiers qui réussissent à faire des aspirations communes à chaque prisonnier un objectif à réaliser en commun : s’évader du camp.

Au contraire de ce que recherche les gardiens du Stalag, c’est l’addition de talents que les officiers prisonniers veulent obtenir pour atteindre l’objectif. Cela signifie de faire revenir des individus dans une logique collective. Au « roi du frigo », il s’agit de lui faire accepter que l’évasion organisée en groupe aura plus de chances d’aboutir que toutes celles qu’il a cru réussir avant de se faire reprendre à chaque fois. Pour tous, c’est faire accepter des compromis, des collaborations inhabituelles pour viser un succès commun répondant aux aspirations des individus.

Mais surtout, les officiers doivent accepter de ne pas être ceux qui savent et écouter l’expertise de ceux agissant pour que le projet aboutisse. En terme managérial, le N+1 peut se trouver à obéir au N-2 car lui à la connaissance. Les organisateurs de l’évasion se comportent donc à la fois en directeurs de projet, en promoteur d’alliance management mais également en manager devant gérer les egos de tous tout en ne nuisant jamais au bon déroulé du projet.

La souplesse libérale face à la rigidité totalitaire

Ce que le film va alors développer est que la suppression des libertés n’empêche pas en soi la fin de l’entreprise même si elle la complique. Aussi, les talents individuels seuls ne restent que théoriques. Additionnés et mis au service d’un projet collectif, ils ne font pas que se conjuguer, ils créent des solidarités et des compréhensions des enjeux de l’autre. Ainsi les tunneliers savent creuser et étayer leur ouvrage mais ils ne savent pas comment récupérer les matériaux dont ils ont besoin, comment évacuer la terre qu’ils creusent ou créer des moyens de se mouvoir en sécurité à l’intérieur du tunnel clandestin. Et celui qui sait où se procurer des étais ne servirait strictement à rien si ses compétences n’étaient pas mises à disposition de ceux en ayant besoin ! Le film montre ainsi l’enthousiasme communicatif chez tous les protagonistes à l’idée que le projet d’évasion réussisse.

Les prisonniers se trouvent donc dans une situation d’employés d’une entreprise dont l’activité est empêchée ou contrariée par des normes et restrictions administratives et dont seules leurs capacités à contourner et à jouer avec les règles leur permettent d’arriver à la mise en œuvre du projet. Cette débrouille passe donc par l’utilisation de matériaux de substitution (une pomme de terre pour faire un tampon), d’une logistique surveillant les interventions des autorités, d’une vigilance vis-à-vis de ceux pouvant nuire au succès du dispositif.

L’utilisation des talents malgré les contraintes dans un objectif enthousiasmant entraîne inéluctablement des interactions humaines aboutissant à la sensation de faire partie d’un groupe à préserver et à protéger. Le mode d’action dans le Stalag induit une forte discrétion. Et de fait, cela peut se produire également dans une entreprise devant sinon agir dans l’illégalité du moins en ne claironnant pas sur les toits les modalités mises en œuvre pour réussir à contourner les tracasseries administratives ! Cette discrétion implique donc une vigilance à l’égard de personnes dont il pourrait être à craindre qu’elles ne soient des infiltrés. Dans le cadre de l’entreprise, la sanction peut être évidemment financière et/ou carcérale. Dans le cadre du film, les informations d’un traître peuvent aboutir non seulement à la fin de l’entreprise d’évasion mais également à l’élimination des protagonistes.

De l’absence de concurrence dans les régimes totalitaires

Il y a donc trois territoires dans le film : la zone de production – le Stalag ; la zone de distribution – le Reich ; la zone de consommation – les terres libres. Or si les prisonniers maîtrisent la première malgré les contraintes qui s’imposent à eux et savent qu’une fois dans la troisième, ils seront totalement évadés, ils ne font qu’envisager comment évoluer dans la deuxième zone qui n’est plus celle des contraintes de production du projet mais correspond dans le monde économique à ce qui pourrait ressembler au marché dans lequel les évadés doivent se mêler pour atteindre leur cible.

Paradoxalement, dans une activité au sein d’une économie de marché donc concurrentielle comme aux USA, il y a deux types de produits. Ceux légalement produits et conformes et qui pour atteindre leurs cibles doivent se démarquer pour être identifiés facilement, quitte à se montrer au-delà du raisonnable. Et ceux produits illégalement et qui doivent passer sous les radars d’une administration cherchant à les éliminer. Dans le cas de La grande évasion, les évadés ne sont pas libres et doivent donc à tout prix se faire discret, se mêler aux autres produits, les habitants, pour ne pas être identifiés comme frauduleux. L’absence de concurrence dans un régime économique non libéral crée une uniformité des produits, tant dans l’aspect que dans les qualités intrinsèques. Pas de concurrence, donc pas de marques en compétition les unes contre les autres.

Ce qui fait la différence entre la vie dans le camp et la période transitoire vers les terres libres, c’est que les évadés évoluent dans un territoire dont ils ne maîtrisent aucun paramètre extérieur autre que ceux qu’ils ont imaginés et auxquels ils se sont préparés. Ils ont donc spéculé sur une évasion massive mais pour laquelle, une fois dehors, le groupe deviendrait un handicap car trop vite repérable. De fait est-il préféré de retourner à l’éparpillement des individus où chacun d’entre eux joue sa partition en solo ou presque. L’intelligence collective dans le camp  disparaît pour des projets individualistes face à un adversaire dont chaque élément connaît le territoire, le contrôle et maîtrise les différentes voies empruntées par les évadés. Cette variété de canaux de diffusion crée autant de signaux différents qu’un régime totalitaire et liberticide est capable d’identifier pour agir et intercepter les fuyards, aussi bien camouflés soient-ils.

La grande évasion ou la parabole du mur de Berlin ?

Le sort des différents évadés est pour la plupart loin d’être celui qu’ils avaient envisagé. Beaucoup sont repris, d’autres sont exécutés. Du point de vue des spectateurs, cela peut apparaître particulièrement contraire à ce que le cinéma hollywoodien avait habitué ses spectateurs : un happy end. Il est ainsi particulièrement éprouvant de voir « le roi du frigo » ne pas réussir à franchir la frontière de barbelés à moto dans une des scènes les plus célèbres du film voire du cinéma. Pourtant, certains réussissent à s’évader, malgré les difficultés. Ainsi, le faussaire interprété par Donald Pleasence s’en sort, aidé par un autre détenu, et bien qu’ayant perdu largement la vue. Ces quelques succès ne sont pas anodins et pas seulement faits pour satisfaire les spectateurs. En effet, la morale du film est justement dans la valorisation d’un système libéral face aux régimes totalitaires. Le génie du libéralisme est de pouvoir agréger les talents pour mener à bien un projet qu’un régime totalitaire peut certes contrecarrer mais jamais totalement empêcher quand la soif de liberté amène les individus à ne plus craindre les forces liberticides.

Or le film date de 1963. S’il évoque bien sûr le régime nazi, il se regarde au présent des spectateurs. Et ceux-ci ne peuvent pas manquer de faire un parallèle avec une situation leur étant familière puisque en 1961, l’URSS faisait construire le mur de Berlin pour mettre fin à la fuite des Allemands de l’Est vers l’Ouest. Et que cherchaient ces Allemands de l’Est ? La liberté, celle de se déplacer comme celle d’agir, de penser et de consommer.

La grande évasion est donc un des plus grands films de guerre mais il est aussi un des plus intelligents films de propagande pour défendre le modèle libéral et capitaliste défendu en Occident et particulièrement aux USA.

À très bientôt

Lionel Lacour

 

 

 

 

 

 

jeudi 28 septembre 2017

Lumière 2017 - "La Continental, le mystère Greven" ou le cinéma français sous l'occupation

Bonjour à tous

Découvrir ce documentaire, c'est comme découvrir un pan entier d'une histoire cachée depuis longtemps et que Bertrand Tavernier avait commencé à révéler dans Laissez passer en 2002. C'est donc tout légitimement que le réalisateur français intervient autant comme réalisateur cinéphile que comme historien du cinéma dans ce passionnant documentaire. Car Claudia Collao, la réalisatrice, a trouvé ce qui se fait de mieux comme historiens du cinéma français. Jean Ollé-Laprune et Pascal Mérigeau apportent leurs connaissances mais aussi leurs doutes sur cette période étonnante du cinéma français

vendredi 11 août 2017

La planète des singes - Suprématie: retour vers le futur

Bonjour à tous,

ainsi donc, le 3ème opus de la nouvelle saga Planète des singes est en salles depuis le 2 août 2017. L'attente était grande car le premier volet, La planète des singes - Les origines avait été une merveilleuse surprise réalisée par Rupert Wyatt (voir La planète des singes 2011: le mythe régénéré) et permettait de revisiter l'histoire de Pierre Boulle de manière radicale. Le deuxième volet, La planète des singes - l'affrontement avait été donc le blockbuster de l'été 2014 réalisé par Matt Reeves. Moins surprenant que le premier, il proposait une vision plus sombre de notre civilisation (voir La planète des singes - l'affrontement: parabole du chaos de notre civilisation?). Aussi, la sortie de La planète des singes - Suprématie devait apporter la réponse finale aux spectateurs: comment la planète Terre allait être finalement

mardi 10 février 2015

Mr Klein: Un travail de mémoire de la France occupée

Bonjour à tous

en 2010, Rose Bosch, réalisatrice de La rafle, prétendait qu'aucun film n'avait montré la rafle du veld'hiv. Au sens propre, elle avait raison. Aucun n'avait reconstitué avec sa minutie cet événement tragique. Mais elle avait juste oublié qu'un autre cinéaste, un vrai celui-là, avait réalisé une œuvre autrement plus puissante que le film lacrymal tourné au XXIème siècle, injonction à choisir son camp et à se déterminer, près de 70 ans après parmi les gentils en vomissant les méchants. Bien plus subtil a été le film de Joseph Losey réalisé en 1976. Mr Klein ne cherche pas l'exactitude à tout crin en ne se gênant pas à faire des entorses à l'Histoire quand la vision de cette période est au final bien plus respectée et nuancée que celle qui fut donc proposée dans La rafle. 
Mr Klein est dans la lignée de ces films qui sont revenus sur le résistancialisme qui avait marqué le cinéma français jusqu'aux années 1960 et qui présentait une vision très binaire de la période de l'occupation. Marcel Ophuls en 1969 avec le documentaire Le Chagrin et la Pitié, Louis Malle en 1974 avec Lacombe Lucien troublaient les Français dans leurs certitudes sur le comportement dans Français pendant la seconde guerre mondiale. Avec Mr Klein, Losey secouait encore un peu plus les spectateurs et ce au-travers d'un personnage double, mais sans double jeu. Une histoire revisitée pour une œuvre magistrale de profondeur.

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mardi 2 septembre 2014

"Lucie Aubrac" pour les 70 ans de la libération de Lyon

Bonjour à tous

À l'occasion des 70 ans de la libération de Lyon, l'Institut Lumière propose le jeudi 4 septembre à 20h30 à la salle du Hangar une projection exceptionnelle de Lucie Aubrac, le film de Claude Berri réalisé en 1996 et co-produit par Rhône-Alpes Cinéma.

Ce film fut l'occasion de redécouvrir cette histoire d'amour entre Lucie et celui qu'elle allait épouser, Raymond Aubrac. Entièrement tourné à Lyon avec une qualité de reconstitution très minutieuse, le film a permis de découvrir cette géographie de la capitale des Gaules et de la Résistance, mettant en scène les incroyables solutions trouvées pour échapper à la Gestapo ou pour faire s'évader des prisonniers de Klaus Barbie. Les spectateurs retrouveront la prison Montluc où fut emprisonné Jean Moulin, mais aussi la place des Terreaux, la Montée de l’Observance, le quartier de la Préfecture, le Parc de la Tête d’Or et d'autres lieux fréquentés par les Résistants. La qualité de la reconstitution passe également par la possibilité qui fut offerte d'utiliser du matériel d'origine et conservé comme par exemple les tramways, conduits par de véritables conducteurs des transports en commun... de 1996! Même la ficelle montant vers la Cx Rousse est bien de Lyon. Mais la ligne n'existant plus, c'est celle montant sur l'autre colline, celle de Fourvière, qui fut utilisée dans le film, petite entorse à la vérité. 

Si Simone Signoret, (qui fut véritablement l'élève de Lucie Aubrac!) avait incarné Mathilde, sorte d'alter ego de Lucie dans L'armée des ombres, c'est Carole Bouquet qui interpréta le rôle de la résistante lyonnaise. 
Réalisé par Claude Berri que la période a forcément marqué de par le fait qu'il dut se cacher pendant la guerre en tant que juif (cela donna Le vieil homme et l'enfant, film autobiographique) le film permet de retrouver derrière cette histoire romanesque la grande Histoire et ses personnages qui constituent aujourd'hui encore des références pour la République, à commencer par Jean Moulin incarné par Patrice Chéreau. 

La projection de ce film permettra bien sûr de revenir sur cette histoire majeure de cette période qui a vu Raymond Aubrac, joué par Daniel Auteuil, arrêté à Caluire le 21 juin 1943 ainsi que Jean Moulin.  
Jean-Dominique Durant, historien et adjoint au Maire de Lyon, accompagnera alors la séance, permettant de revenir sur le destin incroyable de cette femme qui devint une figure essentielle de la Résistance en France et qui sut transmettre jusqu'à son dernier souffle en 2007 la mémoire de cette période aux plus jeunes, témoignant dans les écoles, collèges et lycées de France de ce que fut son engagement.
La soirée sera précédée d’images d’archives tournées lors de la libération de Lyon.

Lucie Aubrac, Claude Berri, 1996
jeudi 4 septembre, 20h30 , Institut Lumière - Salle du Hangar, 25 rue du Premier Film, Lyon 8ème
Réservations:
téléphone: 04 78 78 18 95
ou par internet: www.institut-lumiere.org

À très bientôt
Lionel Lacour

samedi 25 janvier 2014

Jugement à Nuremberg: une longue réflexion sur l'Histoire, le Droit et la Justice

Bonjour à tous,

en 1961, Stanley Kramer réalisait Jugement à Nuremberg, rassemblant pour l'occasion une pleïade invraisemblable de stars: Spencer Tracy, Richard Widmark, Burt Lancaster, Marlene Dietrich, Judy Garland ou encore Montgomery Clift.
Le film relatait le troisième procès de Nuremberg qui s'est tenu en 1948, après le plus célèbre organisé entre 1945 et 1946 et qui avait permis de définir de nouveaux crimes, notamment celui de crime contre l'Humanité.
Le film de Kramer s'inscrit dans un contexte historique très particulier. En 1961, la guerre froide n'est plus vraiment ce qu'elle était, malgré quelques coups d'éclat comme la construction du mur de Berlin par les Soviétiques ou bien la tentative de débarquement américain dans la baie de cochons à Cuba. En revanche, la question nazie semblait avoir été tranchée après les jugements de Nuremberg, ayant donné lieu à des condamnations allant jusqu'à la peine capitale. Si bien que ceux n'ayant pas été attrapés purent croire qu'ils ne seraient plus inquiétés après avoir fui dans certains pays peu regardant sur leur passé nazi ou pouvant tirer profit de ce passé, que ce soit aux USA ou dans le bloc de l'Est. Or, en 1960, l'arrestation d'Adolph Eichmann, nazi ayant eu en charge la mise en œuvre de la Solution finale, par les services secrets

jeudi 17 octobre 2013

"Hitler dead or alive": quand Tarantino propose les films qui l'inspirent!

Bonjour à tous,

Le festival Lumière 2013 ne se remet toujours pas de ce qui lui arrive pour son 5ème anniversaire. Comme le pourrait-il d'ailleurs. Depuis l'ouverture, ce lundi 14 octobre, tout n'est que démesure de par la présence des stars, oui des stars, dans tous les cinémas du Grand Lyon. Mais démesure également par leur présence dans des lieux fréquentés par les spectateurs, fondus avec eux, à la fois inaccessibles de par l'aura qui les caractérise, et si proche des festivaliers par leur passion commune avec le cinéma classique.

Alors, que dire du lauréat 2013? Quentin Tarantino, dont les initiales sont devenues un signe de ralliement de tous les spectateurs en ébullition, assiste aux séances, communie avec les films, ne retient aucune de ses émotions, rit quand le film entraîne à rire. Les spectateurs n'en reviennent toujours pas.

dimanche 6 novembre 2011

Le cinéma américain: une arme pendant la seconde guerre mondiale

Bonjour à tous,

Si la Seconde guerre mondiale a été considérée comme une guerre totale par les historiens, c'est que tous les moyens humains ont été mis à la disposition de l'effort de guerre. Le cinéma fut un de ces moyens. Par sa force suggestive, le septième art avait depuis longtemps été compris comme un outil de propagande sans pareil et ce, dès les opérateurs Lumière! Le cinéma soviétique avait rapidement assimilé l'intérêt de l'image pour transmettre des messages simples voire simplistes aux masses populaires. De son côté, le cinéma américain ne fut pas en reste. La Warner était devenue une véritable société de production pro- Roosevelt et ce dès les années 1930. Ainsi Les aventures de Robin des bois de Michael Curtiz pouvait-il apparaître en 1938 comme une métaphore de l'action sociale du président démocrate dans un film évoquant certes le moyen-âge mais ... en couleur! Dès lors, le cinéma devint-il lui aussi une arme de guerre, véritable outil de propagande en Allemagne comme en URSS ou en France, mais aussi et surtout aux USA, et ce, alors même que ce pays n'était pas encore entré dans le conflit!
Cet article n'a bien sûr pas la prétention d'être exhaustif au regard de la production de films américains réalisés pendant ce conflit. Mais il a pour objectif de montrer combien une lecture de la guerre est possible grâce au cinéma à partir d'une analyse critique, celle qui comprend que les informations données aux spectateurs sont à la fois celles officielles et aussi celles qu'il est en capacité de recevoir, pas seulement par ce qui était raconté, mais comment cela était montré à l'écran.

I. Une guerre de propagande
Ce que le cinéma américain n'a en fait jamais cessé de faire pendant tout le conflit, y compris quand les USA n'étaient pas encore en guerre, c'est dans un premier temps de préparer l'opinion publique américaine que la guerre était inéluctable et imminente. Pour cela, il fallut désigner et dénoncer l'ennemi, ce qui était d'autant plus facile quand celui-ci devint effectivement l'ennemi. Mais plus encore, le cinéma américain permettait de rappeler quelles étaient les valeurs qu'il fallait défendre.

Ainsi, dans Les aveux d’un espion nazi en 1939, Anatole Litvak montre la présence de la ligue germanique existant aux USA et se réunissant en plein New York. En s'appuyant sur une réalité, cette ligue ayant notamment organisé un meeting en plein Madison Square Garden, Litvak avertit les spectateurs américains du danger que représente ce parti nazi qu’on ne peut combattre que par la force. Les Nazis ne s’assimilent pas dans les pays où ils vivent et ligues germaniques (avec la symbolique et propagande nazie) veulent abattre les démocraties et la constitution américaine. En mêlant à son propos filmique des images d'archive, Litvak, juif né en Ukraine, qui a vécu en Allemagne avant de la quitter après l'arrivée au pouvoir d'Hitler, d'abord en France puis aux USA, en appelle au patriotisme américain. La force de son propos réside notamment dans une séquence où des vétérans de la Première guerre mondiale faisant partie de la ligue américaine n’hésitent pas à défendre les valeurs démocratiques de leur pays. Face à un nazi qui veut mettre fin à la constitution des USA, ce sont les Américains qui lui font face, notamment un d'origine allemande mais qui en appelle justement aux valeurs défendues par les USA, notamment la liberté d'expression et surtout, la démocratie.

En 1940, Charlie Chaplin réalise un autre film de contre-propagande, Le dictateur. Dans ce pamphlet, point d'images d'archives mais un détournement de toute la propagande nazie. En situant l'arrivée au pouvoir d’Hynkel (Hitler) comme conséquence de la crise économique et de la misère de la Tomainie (pays imaginaire identifiable sans aucun doute possible à la Germanie / Allemagne) Chaplin caricature le régime hitlérien. Autoritarisme, charisme, symbolique détournée, soumission du peuple, militarisme et haine des juifs. Il pastiche à la fois son jeu d'orateur avec ses envolées lyriques et ses mouvements de bras, mais aussi la veulerie de ses subalternes, la soumission de l'Etat major et du peuple, l'utilisation jusqu'au grotesque des symboles de son parti, avec une double croix en guise de croix gammée, et enfin l'expansionnisme et l'esprit guerrier qui l'anime. Cette idéologie raciste et antisémite peut amener à l’extermination d’un peuple et à diriger le monde. Car c'est bien dans ce domaine que le film de Chaplin est finalement le plus intéressant. Il présente les contradictions de ce dictateur qui veut exterminer les bruns, tous les bruns et à qui Garbitsch (avatar de Goebbels) conseille d'exterminer tous les Juifs d'abord. Quand Hynkel rêve d'un monde de blond, Garbitsch lui prédit un empire blond, avec à sa tête un dictateur brun! Visionnaire sur bien des points, notamment dans la frénésie d'Hitler de trouver des armes les plus meurtrières, dans sa volonté d'être le plus grand des dictateurs, y compris par la taille (il faut voir cette séquence dans laquelle il défie Napaloni/ Mussolini pour être celui qui sera assis le plus haut!), Chaplin envoie pourtant un message pacifiste et plein d'espoir. Si un des moments d'anthologie du film, même s'il est encore critiqué par certains, reste le discours final du barbier juif qui, pris pour le dictateur, adresse au monde un message d'amour universel, Chaplin avait déjà annoncé dans le film que le rêve d'Hynkel (Hitler) était de conquérir le monde. En le faisant jouer avec un ballon de baudruche représentant le globe terrestre, Chaplin signifiait bien aux spectateurs que les désirs de conquête du dictateur ne s'arrêteraient pas à l'Europe. Passant devant la "double croix" dans une chorégraphie sur une musique de Wagner, compositeur ayant magnifié la nation allemande et dont se revendiquait Hitler, ce globe devenait un jouet du dictateur imaginaire et pourtant si réel. Mais Chaplin ne croyait pas en la victoire de Hitler et sa satire poussant les thèses du nazisme jusqu'à son accomplissement ne pouvait pas même l'imaginer. L'éclatement du ballon dans les mains de Hynkel faisait de ce dictateur un personnage dangereux mais d'opérette dont la puissance ne valait que par la lacheté des hommes qui lui laissaient finalement faire ses caprices. C'est par la compréhension de l'ensemble du film que le discours du barbier devient intelligible et prend tout son sens, et donc beaucoup moins naïf que beaucoup trop de critiques l'ont analysé.
En 1941, un autre européen émigré, allemand de surcroît, réalise un film contre le régime hitlérien. Dans Man hunt, Fritz Lang rappelle à des Américains qui ne sont pas encore en guerre, que celle-ci existe déjà en Europe. Par une séquence introductive mémorable, le spectateur se trouve en Allemagne en 1941, dans une forêt, accompagnant un chasseur. Lentement, méticuleusement, celui-ci prépare son fusil et vise son gibier. Or c'est Hitler qui apparaît sur le viseur de l'arme. Ménageant le suspens, le chasseur tire sur le dictateur mais le fusil n'avait pas de cartouche. Tel un chasseur appréciant dans la chasse la possibilité d'abattre l'animal, le chasseur salue à distance sa cible. Mais soudain, sans un mot, il comprend que son gibier n'est pas un animal comme un autre. Il charge son fusil et reprend sa position. Il est empêché de l'abattre au dernier  moment. Par cette séquence, Fritz Lang va encore plus loin que Chaplin dans un registre différent. Si Chaplin était dans la satire, c'est que Hitler lui semble encore vulnérable au moment de la réalisation de son film. En 1941, Lang, d'origine allemande, sait qu'il faut être plus direct. Point de Hynkel. Il faut abattre Hitler. Il faut mettre le spectateur dans la disposition du chasseur de la scène introductive. Il faut que chaque témoin de la partie de chasse pense: "tire". Or le chasseur ne peut réussir son coup dans le film puisque le spectateur sait que Hitler est encore en vie. Ce sera donc à lui d'oeuvrer pour mettre fin aux horreurs perpétrées par Hitler ou par les autres nazis. Et c'est bien ce dont-il s'agit dans le film puisque la fiancée du héros sera éliminée par les nazis. Quand un des bourreaux demande au chasseur en quoi Hitler était coupable pour qu'il mérite d'être tué, il lui est répondu qu'il est coupable envers l'humanité! Son assassinat aurait en soi été une sanction validant une condamnation au nom d'un droit non encore défini par une quelconque autorité puisqu'il a fallu attendre le procès de Nuremberg et 1946 pour définir le crime contre l'humanité. Juridiquement contestable, les propos du héros de Fritz Lang n'en demeure pas moins important quant à l'élaboration de ce nouveau concept de crime non envers un ou plusieurs individus mais envers la communauté humaine tout entière. Par ces mots, Lang présente l'ennemi dans toute son horreur. Il n'est pas qu'un simple chef de guerre. Ce n'est pas le seul fait de tuer qui est condamnable mais au nom de quoi ces crimes sont commis. Et dans ce cas, au nom d'une idéologie raciste, antisémite et totalitaire.

Mais l'ennemi américain n'est pas seulement nazi. Il vient aussi de l'autre côté du Pacifique. Dans Dive bomber, Michael Curtiz, le réalisateur de la Warner et du pré-cité Les aventures de Robin des bois, tourne en  1941 un film à la gloire des médecins aviateurs, avec Errol Flynn en vedette! Tout le propos du film tient dans le courage des médecins qui ont testé les effets de l'altitude et de la vitesse sur les pilotes d'avion. Or ce fil rouge narratif a bien du mal à masquer l'entreprise du réalisateur. Filmé en couleur, ce long métrage commence par des images de l'aviation de chasse américaine, de porte-avions sur lesquels atterrissent les pilotes et leurs engins. Aucune image de médecins, malgré le carton qui signale que le film est bien à la gloire de ces médecins-aviateurs. Mieux, la première séquence qui poursuit le générique place l'action dans les euax du Pacifique, à Hawaï. La menace pour les Américains dont on voit l'armada à l'écran est bien de ce côté, avec un Japon impérialiste depuis les années 1930, et non vers l'Atlantique! Pourtant, la guerre en Europe n'est pas ignorée. Mieux, l'implication des USA est même clairement établie puisque, alors quel'action se situe désormais sur la côte Est du pays, un des pilotes héros du film a pour mission de convoyer des avions de la côte ouest américaine vers l'Angleterre. Sans évoquer clairement la guerre, de nombreuses allusions au conflit européen jalonnent le film. Le convoyeur applique ni plus ni moins le pricnipe du Cash and Carry que le gouvernement américain a proposé aux Britanniques pour les aider dans la guerre. De même, quand ce même convoyeur propose de payer un verre à ses amis, il plaisante en indiquant qu'il fera un chèque signé Winston C! Il y a donc bien alliance de fait avec le Royaume Uni. Toujours sans évoquer l'ennemi directement, les pilotes se racontent les tactiques mises en place par les pilotes de la R.A.F. cour attaquer d'autres avions. S'ils l'évoquent, c'est bien que la R.A.F. combat un ennemi qu'il n'est nul besoin de préciser pour les spectateurs. Voici donc comment l'opinion publique américaine est préparée à une future probable implication des USA dans la guerre qui sévit en Europe et qui existe aussi en Asie.
Il est plutôt remarquable de voir que de très nombreux réalisateurs qui se sont impliqués dans ces films de propagande étaient des émigrés de première génération. Ainsi, Michael Curtiz était originaire de Hongrie. Et même s'il était venu aux USA en 1926, il ne pouvait être insensible à ce qui se passait en Europe et notamment dans son pays d'origine.
Quand les USA entrèrent en guerre officiellement après l'attaque du 7 décembre 1941 sur la base navale hawaïenne de Pearl Harbour par les Japonais, le cinéma hollywoodien n'a pas cessé de produire des films de propagande dénonçant à la fois l'ennemi et rappelant les valeurs défendues par les USA. Et comme avant 1941, ce fut souvent des réalisateurs immigrés qui tournèrent ou furent chargés de faire ces films. Ainsi, Franck Capra était-il un immigré ayant quitté la Sicile pour les Etats-Unis avec ses parents en 1903. Il avait alors 6 ans. En 1917, il s'engagea dans l'armée américaine alors qu'il n'était pas encore américain, ce qui fut le cas après sa demande de naturalisation en 1920. S'étant révélé dans les années 1930 avec des comédies à succès dont New York - Miami ou L'extravagant Mr Deeds. En 1941, il réalise un film sur la montée du populisme et le contrôle d'un leader populaire par les puissances économiques du pays avec Gary Cooper comme vedette: L'homme de la rue  (Meet John Doe en version originale). Cette prise de position politique rompait avec ses comédies légères dont il était devenu un maître. Ainsi, et alors qu'il n'avait jamais réalisé de documentaires, il lui fut commandé une série de film documentaires de propagande dans une série désignée par le titre Pourquoi nous combattons dans laquelle il mit ses talents de réalisateurs de fiction pour monter des images d'archives venant notamment de la propagande nazie. Le travail fut d'une redoutable efficacité, mêlant le savoir-faire d'un cinéaste, la force des images et le souci pédagogique nécessaire pour comprendre les raisons du gouvernement américain à envoyer les "boys" américains sur les front européen et pacifique.

Mais montrer l'ignominie du nazisme ne suffit pas. Il fallait aussi montrer en quoi le modèle américain était supérieur. Et c'est encore un réalisateur né en Autriche Hongrie qui réalisa son premier film américain en 1936 qui dans un film "policier" servait en réalité la propagande américaine. Ainsi, Otto Preminger réalisait en 1943 Margin for error. Preminger, juif lui-même, met en scène un policier américain juif qui réussit à convaincre un jeune diplomate nazi non de la supériorité mais de la grandeur des idéaux américains sur ceux nazis. Alors que ce jeune nazi découvre que par un problème d'ascendance familial, il n'est plus un nazi pur, le policier lui démontre que tout ceci n'est que propagande d'un dictateur qui a enelvé à son peuple toute liberté d'expression. Au contraire, être américain renvoie au droit du sol et non du sang. Les origines importent peu. Et de citer des gens originaires de toute l'Europe, tous Américains! Le message de Preminger est très fort. Au côté radical du nazisme répond la générosité américaine. En permettant à ce diplomate nazi d'intégrer la nation américaine, c'est bien la grandeur des USA qui est magnifiée. Et ce diplomate fait alors son devoir en s'enrôlant dans l'armée américaine pour devenir à son tour un héros, héros ordinaire mais héros américain!

II.  Une guerre sur tous les fronts

Ce que le cinéma américain réussit à faire en opposant les valeurs de libertés à l'idéologie nazie, il le réalisa aussi dans la présentation des différents fronts de la guerre. Aucun n'y échappa, même ceux fantasmés, notamment aux USA eux-mêmes, puisque ceux-ci craignaient la fameuse cinquième colonne que les nazis auraient déployée dans leur pays. Deux films illustrent parfaitement l'ouverture de ce front. Echec à la gestapo, réalisé par Vincent Sherman en 1941 juste avant l'entrée en guerre des USA témoignait de cette peur de voir le conflit européen entrer aux USA. Humphrey Bogart, connu surtout pour ses rôles de méchant devenait dans ce film un des pourfendeurs des nazis. En 1942, La cinquième colonne  d'Alfred Hitchcock poursuivait l'idée de se méfier des nazis qui pouvaient infiltrer la démocratie américaine. Au passage, on trouve dans cette angoisse de la cinquième colonne une des clés pour comprendre ce que fut après la guerre le maccarthysme.
Mais c'est bien sur les zones de combat que le cinéma américain joua un rôle dans la présentation aux citoyens des USA des Alliés, de leur manière de combattre et des raisons de repousser l'ennemi jusqu'à la victoire finale.
1. Combattre dans l’Europe occupée
Avec To be or not to be, le réalisateur né en Allemagne, Ernst Lubitsch, réalise en 1942 un film montrant ce qui servit finalement de déclenchement de la seconde guerre mondiale, la conquête rapide et brutale de la Pologne par la Wehrmacht le 1er septembre 1939. Or Lubitsch présente des Polonais qui ne se soumettent pas à l'occupant nazi, malgré la propagande hitlérienne qui sévit, notamment par la distribution de son Mein kampf mais aussi par les menaces affichées contre tous ceux qui pourraient se rebeller contre l'ordre hitlérien. En effet, Lubitsch rappelle que les camps de concentration sont ouverts pour tout résistant. Sur ce point, il faut cependant éviter de faire de l'Histoire à l'envers. Lubitsch ignorait l'existence des camps d'extermination comme d'ailleurs les Alliés eux-mêmes, même si certains historien remettent en cause ce point précis. En revanche, l'existence du système concentrationnaire était connu depuis 1933 puisque Hitler au pouvoir en avait déjà fait édifier en Allemagne pour tous les opposants à son régime.
To be or not to be est moins un témoignage qu'une oeuvre magnifiant la liberté. En effet, Lubitsch montre que les Polonais ont d'emblée résisté par des gestes symboliques, par des attentats et des sabotages, mais aussi par l'envoi de pilotes de chasse à Londres, à l'instar des Forces Françaises Libres. Mais surtout, par la suppression des représentations théâtrales par l'occupant nazi, Lubitsch montre une des facettes de ce totalitarisme, à savoir le contrôle de toute forme d'expression artistique libre. Or c'est par les comédiens que son intrigue aboutit à la défaite des autorités nazies dans son film!
La réistance a donc commencé au cinéma dès l'épreuve de force imposée par les troupes nazies aux Européens. Jean Négulesco, réalisateur roumain d'origine, montre cela également en1944 dans Les conspirateurs. Sabotages d’usines, de trains, meurtres de soldats allemand, le héros résistant du film semble harceler l'occupant des Pays Bas. Interprété par Paul Henreid, acteur autrichien ayant migré aux USA après l'ascension de Hitler au pouvoir, ce personnage voit sa tête mise à prix. Une seule solution lui est possible, migrer au Royaume Uni via le Portugal. Ainsi Londres est-il régulièrement présenté comme la terre d'accueil de toutes les Résistances européennes, capitale du seul pays à continuer le combat contre Hitler. Ce film fait appel à d'autres vedettes venues de l'Europe centrale ou de l'Est. Ainsi, le grand Peter Lorre, interprète du célèbre M le maudit de Fritz Lang fait-il aussi partie du casting. Hedy Lamarr, vedette du cinéma allemand des années 1930 tient-elle le rôle féminin principal.
Tous les films ne sont pas pour autant tournés par des émigrés européens. Raoul Walsh, né à New York, réalise en 1942 Sabotage à Berlin. Ce film montre combien le combat mené contre le IIIème Reich s'organise en Angleterre, en relation avec les Résistances européennes, notamment polonaises. Les personnages, soldats alliés, viennent de tout le monde libre, y compris l'Australie. Une séquence montre à quel point la logistique et la préparation des attaques alliées ne sont pas conduites à la légère: photos aériennes, plans et informations venant des Polonais permettent d'élaborer les actions militaires. Et lorsque la mission échoue, les militaires alliés, parmi lesquels on retrouve Errol Flynn et Ronald Reagan, savent réagir et continuer leur mission, en volant notamment des documents secrets, établissants des projets militaires nazis comme l'intensification de la production des avions Messerschmidt. En ajoutant quelques phrases anti-alliées que les nazis auraient écrites, parlant de la démocratie dégénérée américaine, l'effet sur la population américaine est évident: continuer à produire encore plus contre les Allemands qui veulent détruire les USA.
Usines allemandes tournées vers la production militaire intensive : ici avions Messerschmidt. Au passage, les Italiens, alliés de l'Allemagne nazie sont plutôt vus comme des ennemis peu dangereux et des alliés du Reich peu sûrs! Mais ceci est une constante des films américains que se retrouve dans d'autres films..
Mais c'est bien un émigré qui a fui l'Allemagne en 1937 car sa femme juive était menacée par le nazisme qui réalisa pour son premier film américain Hitler’s madman en 1943. PLus que d'autres, Douglas Sirk pouvait savoir ce dont étaient capables les nazis. Il choisit alors de raconter l'Histoire du peuple de Lidice, en Bohême Moravie massacré le 10 juin 1942 après que Heydrich, avait été exécuté le 27 mai 1942 par deuxrésistants Tchèques venant de Londres.  Mais avant d'arriver à cela, Sirk avait justement décrit comment le prince protecteur de Bohême Moravie traitait les Tchèques, notamment par la sélection des jeunes filles comme du bétail, et considérées par Heydrich comme inférieure aux Allemands (« dommage qu’elle soit tchèque »).  Une fois triées et sélectionnées pour être envoyées dans des maisons closes et sur le front pour le plaisir des soldats, les filles étaient présentées à un médecin dont le spectateur comprenait que l'objectif n'était pas de soigner mais certainement de pratiquer une stérilisation. Le filme magnifie alors la Résistance tchèque par sacrifice plutôt que d’obéir aux ordres nazis ; ainsi, une des femmes sélectionnées préfère mourir plutôt que de prostituée. Et, suite à l'élimination d'Heydrich et alors qu'il fut décidé de raser et d'exterminer tous les habitants de Lidice, c'est tout ce peuple qui résiste en ne fuyant pas et en chantant face à la mitrailleuse qui les massacre. Le film se conclut par un vrai moment de cinéma. En effet, alors qu'il n'y a plus âme qui vive dans le village, des personnages sont présentés sur fond de feu et de chaos, marchant vers la caméra, regard vers l'objectif. Ils s'adressent aux spectateurs américains, leur rappelant qu'ils ont combattu pour la Liberté, et qu'ils ont besoin d'aide pour qu'il n'y ait plus d'autres Lidice. Un des Tchèques porte même un chapeau de cow-boy montrant bien que les Tchèques d'un jour pourraient être les Américains d'un autre. Ils s'adressent en anglais bien évidemment. Lidice est donc une sorte de rappel du fameux "Pourquoi nous combattons". Et pour que le message passe encore davantage, le film se termine sur un message d'espoir de nature clairement  messianique.

2. Combattre sur le Front Est
Si le cinéma européen impliqué dans le combat à l'Est de l'Europe a montré cette partie du conflit, comme Marc Donskoi en 1943 dans L'arc en ciel montrant la résistance des Partisans face aux nazis et aux traîtres ou pour le cinéma italien L’homme à la croix de Roberto Rosselini en  1942, présentant les Bolcheviks comme des barbares blasphémateurs face aux Italiens respectant le droit de la guerre, c'est bien le cinéma américain qui trouble dans sa présentation du conflit dans cet espace géographique.
Dans Mission to Moscow, Michael Curtiz réalise en 1943 un tour de force extraordinaire. En s'appuyant sur le témoignage de l'ambassadeur américain Joseph E. Davis qui le fut en URSS, le réalisateur présente un portrait incroyable de Staline, véritable propagande que le parti communiste n'aurait pas renié! Mieux, dans une séquence dans laquelle l'ambassadeur américain explique la nécessité d'aider Staline, le voici qui justifie contre la réalité historique et l'attaque de la Finlande par l'Union soviétique et le pacte germano-soviétique, qui aurait été signé pour donné du temps aux occidentaux! L'action du film se passe avant le 7 décembre 1941, c'est-à-dire avant l'attaque de Pearl Harbor. Le film sert en fait à justifier l'aide accordée aux Soviétiques, idéologiquement ennemis des Américains. Il fallait donc présenter l'URSS comme un pays allié, ennemi d'Hitler avec un dictateur à la limite de l'humanisme! Même Roosevelt est convoqué pour permettre à l'URSS de bénéficier du "Crédit bail" accordé aux pays alliés dont le Royaume Uni était jusqu'alors l'essentiel utilisateur. Michael Curtiz souligne à quel point l'élite politique et économique des USA se sentait isolée des menaces extérieures. Mais dans un plan mêlant le drapeau japonais à un zéro, avioin de chasse nippon à la date du 7 décembre 1941, le réalisateur fait basculer le film dans la guerre totale, présentant la nécessité de combattre et de sortir de l'isolationnisme. De manière très appuyée, toute alliance contre nature est justifiée pour combattre les deux principaux ennemis: l'Allemagne et le Japon. Aux images d'archives présentant la résistance soviétique contre l'armée allemande se succèdent d'autres images, composées celles-ci en studio, présentant l'aspect mondial de la guerre, à Gudalcanal ou au Sahara, montrant le sacrifice des soldats des pays se battant pour un monde libre! Très didactique, le film va même jusqu'à représenter une grande salle d'état major cernée des drapeaux des pays constituant déjà les Nations unies, salle au centre de laquelle se trouve une table recouverte d'une carte désignant les différentes zones de conflits. Mais si ce film a bien pour objectif d'intégrer l'idée d'alliance avec Staline pour les spectateurs américains, c'est bien auprès d'eux et des valeurs américaines que le film se termine sur une image véhiculant les valeurs chrétiennes dignes d'un sermon d'église évoquant l'Ancien Testament, sur fond d'image en ombres chinoises révélant des silhouettes d'individus dont on reconnaît des origines diverses et se dirigeant vers une route illuminée par les rayons solaires, autre évocation chrétienne.
Mais ce film n'est pas le seul film américain à vanter les mérites des partisans soviétiques. Jacques Tourneur, dans un des films qui, de son propre aveu est à oublier - à lire dans l'entretien qu'il accorda à Bertrand Tavernier que celui-ci a transcrit dans son livre Amis américains - a mis en scène l'histoire d'amour d'un partisan et d'une jeune Russe au moment de l'invasion allemande en 1941 lors de la mise en oeuvre de l'opération Barbarossa dans Days of glory en 1944. Le partisan est interprété pour son premier rôle au cinéma par Gregory Peck. Film de guerre et romance coïncide pour finalement aboutir à convaincre les Américains que la Résistance  soviétique se fait par le sacrifice de très nombreux partisans qui meurent pour une cause patriotique. Pas de happy end  pour les deux amants dont la jeune femme, interprétée par Tamara Toumanova, une danseuse russe qui avait quitté son pays dans les années 1920,  qui décide d'intégrer les partisans et de rejoindre son fiancé alors même qu'elle sait que sa vie est perdue puisque les puisque les puissants chars allemands arrivent sur eux. Pourtant, le commentaire final en voix off témoigne du courage de ces partisans qui ont su repousser et contenir les troupes motorisées de la wehrmacht. Encore un film américain que la propagande soviétique n'aurait pas désavouée et qui recoupe le film de Marc Donskoi sur l'héroïsme des partisans russes! Vus aujourd'hui, ces films, Mission to Moscow et Days of glory  apparaissent comme des ovnis cinématographiques quand on sait ce que sont devenues par la suite les relations américano-soviétiques à partir de 1945!

3. Combattre hors d’Europe : l’Afrique et le Pacifique
Ce que montraient les films américains évoquant le front russe, c'était la capacité du cinéma hollywoodien à évoquer la guerre dans sa globalité, à justifier les alliances improbables en racontant des histoires dans lesquelles les Américains pouvaient finalement se retrouver eux-mêmes. D'où ces histoires d'amour en plein récit militaire. Ainsi en fut-il pour les autres zones de combat.
Billy Wilder né en 1906 dans l'empire austro-hongrois, puis ayant travaillé à Berlin quitta l'Allemagne par crainte que ses origines juives ne lui porte préjudice. Arrivé dans les années 1930 à Hollywood, il y travailla comme scénraiste avant de devenir réalisateur. En 1943, il tourne son troisième long métrage, Les cinq secrets du désert, mettant en scène les victoires du Maréchal Rommel - interprété par le grand Erich Von Stroheim, un Autrichien - avant sa défaite en octobre 1942 face aux troupes du Général Montgommery à El Alamein. Dans ce film, Wilder réussit le tour de force de raconter une des premières grandes victoires des Alliés en utilisant des images tournées en plein désert présentant les forces blindées anglaises. Mais il parvient à intégrer plusieurs autres ingrédients dans son histoire, à commencer par une explication fictionnelle des victoires de l'Afrika Korp. A cette explication fantaisiste s'ajoute une opposition entre un officier britannique, joué par Franchot Tone et une jeune française interprétée par Anne Baxter. Celle-ci reproche aux Anglais d'avoir abandonné les soldats français sur le port de Dunkerque en juin 1940. En réponse, l'officier britannique lui explique que les Anglais ont eux aussi perdu des hommes dans cette débâcle mais que c'était le prix à payer pour pouvoir continuer le combat contre l'ennemi. De cette opposition naîtra néanmoins une histoire d'amour en contre-point de la grande Histoire racontée par le film. Mais Les cinq secrets du désert sont aussi une veritable enquête policière pour comprendre comment Rommel réussit à vaincre les Alliés. Enfin, et comme cela a déjà été expliqué pour un autre film - voir Sabotages à Berlin de Raoul Walsh - l'allié italien représenté par un général se prenant pour un ténor d'opéra est surtout ridiculisé et montré finalement comme un homme ne reprenant en aucun cas une menace mais juste un allié de folklore, prompt à rompre cette alliance. En finissant son film par la possible retrouvaille entre les deux amoureux lors de la conquête menée par les britanniques des différents villages qui mènent d'El Alamein à la Tunisie, le film permet à tous les spectateurs d'y trouver leur compte: une histoire romantique pour les uns, un film de guerre pour les autres mais où dans tous les cas ce sont les Alliés qui triomphent, avec un rapprochement franco-britannique en prime.

Ce rapprochement entre Français et Alliés anglo-saxon se retrouve aussi dans Sahara de Zoltan Korda en 1943, réalisateur d'origine hongroise et grand admirateur de l'empire britannique. Il tourna d'ailleurs la majorité de ses films sur la présence britannique dans les colonies sont Quatres plumes blanches ou Le livre de la jungle. En faisant tourner Humphrey Bogart dans Sahara, Korda s'assurait un acteur qui devenait un des plus utilisés pour le cinéma de propagande américain et donc une crédibilité supplémentaire quant à ses propos. Korda reproduit dans le désert l'Alliance avec des soldats américain, britannique, français et des colonies. Face à eux, un italien et un pilote d'avion allemand, tous deux prisonniers des premiers. Le film présente surtout les motivations différentes des Alliés mais avec un but commun. La présence du Français est un positionnement clair pour Korda faisant des vrais Français des Français qui combattent les Nazis en les haïssant. Mais c'est autant la description des représentants de l'Axe que l'histoire en elle-même qui compte. Le pilote allemand est montré comme d'une arrogance rare, demandant à ceux qui l'ont abattu de se rendre alors même qu'il est lui-même encerclé par ces soldats alliés. Il refuse d'être fouillé par le soldat noir car il est d'une race inférieure. Le caractère raciste de ce pilote ne fait plus aucun doute sur son idéologie nazie. C'est encore un rappel aux spectateurs américains, et notamment les noirs américains, que combattre les nazis, c'est aussi combattre un pays raciste... pire que les USA eux mêmes et leur ségrégation? Mais c'est encore sur le rapport entre l'Italien prêt à trahir et l'Allemand, prêt à commettre les pires atrocités que le film a un intérêt majeur. En analysant ces films évoquant ces alliés de l'Axe, le cinéma américain crée une nette différence entre les deux ennemis, le plus dangereux étant sans aucun doute l'ennemi nazi.
En revanche, quand il s'agit de raconter des histoires de guerre ayant lieu dans le Pacifique, l'ennemi japonais est présenté tel l'ennemi nazi, tout aussi endoctriné et dangereux. Dans Destination Tokyo, Delmer Daves tourne son premier film en 194 avec deux stars du cinéma américain, Cary Grant et John Garfield. L'action se passe essentiellement dans un sous-marin américain commandé par Cary Grant. Le film rappele aux spectateurs américains que les USA réagirent rapidement après l'attaque de Pearl Harbor en bombardant dès décembre 1942 le Japon et Tokyo. Le film a pour vocation de montrer encore une fois l'effort de guerre des Américains pour combattre l'ennemi japonais. L'utilisation de codes secrets, de sonars dans les sous-marins témoignent de la mobilisation de toutes les technologies pour triompher des Nippons. Le soutien des familles dont les enfants jouent avec des reproductions des sous-marins en jouet, le rôle des pin up affichées sur les parois des navies illustrent encore que ce sont tous les USA qui combattent à leur niveau pour remporter la victoire. Sur les torpilles lancées contre les navires de guerre japonais, Delmer Daves laisse à la caméra le soin de bien montrer les différentes inscriptions écrites par les marins, que ce soit des mots d'amour à leur fiancée, des moqueries contre le mikado, caricaturé évidemment, un des mots en hommage à d'autres marins décédés. Mais cet effort de guerre est également celui des Japonais et le film témoigne de cela aussi. En effet, si le combat dure, c'est que le Japon a mobilisé toute sa puissance pour se doter d'une flotte puissante avec de nombreux porte-avions notamment. Mais il sait également se défendre en protégeant ses côtes par des barrières de mines sous-marines.
Bien des films hollywoodiens ont présenté les combats menés par les Américains dans le Pacifique contre les Japonais. Mais celui d'Edward Ludwig apporte un point de vue original. Dans Alerte aux marines réalisé en 1944, le réalisateur présente quelques aspects fondamentaux de la victoire possible des Américains. Tout d'abord, il montre combien la mobilisation des Américains est continue avec le rôle des leaders charismatiques pour entraîner derrière eux de nouvelles mobilisations. Ainsi, le chef d'entreprise Donovan interprété par John Wayne devient-il une fois enrôlé un facteur de recrutement. Le rôle des médias est de ce point de vue rapidement montré mais essentiel car il est le moyen d'informer les autres lecteurs qu'il s'est enrôlé.
Le film s'attarde alors sur l'entraînement proposé à ces hommes qui sont de tous les âges et de tous les horizons. Derrière une chanson dynamisante s'entendent des paroles rappelant encore pourquoi il faut comabattre: se souvenir toujours du 7 décembre. Mais c'est surtout la nature de l'entraînement qui peut amuser aujourd'hui et qui pourtant explique un peu plus la force de l'armée américaine durant cette seconde guerre mondiale. En effet, les nouvelles recures font à la fois des exercices physiques, du maniement d'armes, du combat à main nue, mais aussi comment dormir dans un hamac! Plus important encore est la justification de l'intdu recrutement de Donovan. C'est un entrepreneur en travaux publics. Il est donc un spécialiste pour contruire des infrastructures routière et autres. Le film témoigne donc encore de la mobilisation de toutes les compétences américaines pour triompher dans cette guerre. Or la guerre du Pacifique était menée avec une stratégie de conquêtes des îles les unes après les autres. Il fallait donc les aménager pour les transformer en terrain d'aviation pour pouvoir ensuite partir à la conquête des îles suivantes. C'est donc bien l'effort logistique et non guerrier qui est mis en avant dans ce film, effort consenti par les USA et leur population nombreuse prête à se mobiliser par tous les moyens. Ludwig construit son film par étape successive des qualités de Donovan, l'Américain modèle type. Face à des situations extrêmes, il est capable de désobéir à des ordres ou d'agir en prenant des initiatives. Ceci lui est reproché par son supérieur mais ce dernier lui reconnaît pourtant ces qualités et, après avoir été blessé, lui laisse le commandement pour conquérir une île face à des Japonais lourdement armés notamment en chars blindés. Enfin, le film doit tout autant magnifier l'effort américain que diaboliser l'ennemi. Et le moyen le plus simple dans cet exercice est de rencre immonde l'ennemi, soir par l'idéologie, ce qui était le cas avec les nazis, soit par l'enlaidissement physique, ce qui fut le cas pour les Japonais d'Alertes aux marines. Ce qui était d'autant plus efficace qu'au physique laid des soldats japonais était associé un sourire sarcastique et cruel alors qu'ils allaient utiliser le canon de leur char contre les gentils Américains!



 III. La France pendant la guerre: Hollywood pour la France Libre
Le cinéma français a connu une production pendant la "drôle de guerre" évoquant la guerre comme par exemple le film de Georges Lacombe Elles étaient douze femmes réalisé en 1940.

Même après la défaite, le cinéma français continua à produire des films, dont certains étaient franchement pro-vichystes comme le film Monsieur des Lourdines de Philippe de Hérain, beau-fils du Maréchal Pétain sur un scénario du collaborationniste Alphonse de Chateaubriand. D'autres étaient au contraire critique vis-à-vis de ce régime policier et Les visiteurs du soir de Marcel Carné en 1942 Le corbeau de Henri-Georges Clouzot en 1943 correspondaient à ces films. Mais l'essentiel du cinéma français était un cinéma sans prise de position suffisamment notable, et en tout cas, jamais ouvertement favorable aux FFL et à de Gaulle et pour cause dans un régime autoritaire et anti-républicain!
Une fois encore, c'est le cinéma américain qui va raconter et mythifier la résistance française dans tous ses aspects.

1. Une critique sévère de Vichy
En 1942, Michael Curtiz tournait le plus célèbre des films sur la Résistance européenne et française: Casablanca. Ce film est d'abord la présentation d'un territoire resté sous contrôle de la France sous gouvernement de Vichy et du Maréchal Pétain. La scène introductive présente d'ailleurs l'exode des Français après l'armistice du 22 juin 1940 et la ligne de démarcation. Certains veulent rejoindre Casablanca sous administration française pour rejoindre le Portugal et ensuite Londres. Or Casablanca est montré autant sous autorité française que sous contrôle allemand. L'action commence d'ailleurs par la volonté d'arrêter des Résistants ayant en leurs mains des documents importants volés aux nazis. Or c'est toute la police et la gendarmerie françaises qui sont mobilisées pour arrêter ces Résistants dont l'un est abattu devant une affiche avec le portrait de Pétain sur laquelle est écrit: "Je tiens mes promesses, même celles des autres". Cette affiche, qui a réellement existé, illustre terriblement l'état de la collaboration de Vichy avec l'Allemagne nazie, en opposition avec ceux qui résistent et se référant à la France Libre, les papiers du Résistant abattu en témoignant puisqu'il y avait un document avec la Croix de Lorraine, symbole des fidèles de De Gaulle. Tout le film montre alors la situation intenable des défenseurs de l'ordre vichyste face à la réalité du pouvoir nazi incarnée par la présence des SS dans la ville. Le capitaine Renault, interprété par Claude Rains, le prince Jean des Aventures de Robin des bois, joue alors ce rôle du représentant du pouvoir de Vichy. Pourtant, son rôle devient clairement ambigü pour les spectateurs jusqu'à ce qu'il tire sur le major SS, mettant fin de fait à sa situation de représentant du pouvoir légal. Pour symboliser ceci, le capitaine Renault jette la bouteille d'eau de Vichy à la poubelle, Curtiz s'attardant par un gros plan sur cette image forte du rejet d'un régime de collaboration pure.
Dans Passage to Marseille réalisé en 1944 par ce même Michael Curtiz, Claude Rains, encore lui, joue le rôle d'un commandant des FFL. En accueillant des journalistes anglais, il leur demande qui ils viennent interviewer? Le traître comme le dit Laval? Le film s'adressant aux spectateurs Alliés, l'effet, combiné à la présentation glorieuse des Forces Françaises Libres, est évidemment de justment rappeler que ceux qui ont trahi la France se trouvent être ceux qui dirigent et soutiennent Vichy.

Mais c'est peut-être dans Le port de l’angoisse d'Howard Hawks en 1944 que la réalité du régime de Vichy est la mieux présentée, celle d'un régime policier et ridicule qui s'excerce sur tout le territoire français resté sous l'administration de Vichy, et notamment dans les Antilles françaises. En effet, la police n’a rien d’autre à faire que de demander les noms de ceux qui osent critiquer Vichy,  même ironiquement ou modérément. Ce qui est le cas dans une séquence dans laquelle un client de Harry, interprété par (encore) Humphrey Bogart, se demande ouvertement pourquoi le drapeau français n'est pas en berne alors que le pays a perdu la guerre. Mais Vichy n’a pas les moyens de ses ambitions et les deux Américains ne sont pas arrêtés, démontrant s'il le fallait encore l'impuissance de Vichy malgré ses velléités répressives.






2. La résistance française : clandestine en France, mythifiée à Hollywood
Casablanca, au-delà de la présentation de la réalité du régime de Vichy, présente aussi les différentes facettes de la résistance. Certains Résistants montrés comme des héros qui doivent agir dans la clandestinité et s’opposer à la police française risquent leur vie. D'autres résistent par des petits gestes, de manière ponctuelle, profitant de chaque occasion pour rappeler leur soutien à la République. D'autres le deviennent en abandonnant le légalisme vichyste et en passant par la légitimité de la Résistance armée. C'est le cas du capitaine Renault. La résistance passe aussi par l’affirmation de valeurs républicaines, défendues notamment par Victor Laszlo, un Résistant hongrois interprété par Paul Henreid. Dans une des séquences les plus célèbres et les plus émouvantes du film, ce sont tous ces Français ou Résistants qui se retrouvent à chanter dans l'American Café tenu par Rick (Humphrey Bogart!)  La Marseillaise pour répondre à un chant de guerre allemand entonné par les SS.  Cette séquence voit des gendarmes, des simples Français, un Résistant hongrois traqué par la gestapo chanter cet hymne républicain condamné par Vichy, demandé par Victor Laszlo, autorisé par l'Américain Rick sous l'oeil goguenard du chef de la police de Vichy et provoquant le silence et le renoncement du major SS. Séquence improbable évidemment mais qui n'était destiné qu'à présenter une France favorable à la République et à la Liberté. Le revirement de Renault à la fin du film montre également qu'être vichyste n'était pas être nazi car cela était une attitude qui pouvait être légaliste. Le renoncement à Vichy passait par la compréhension de ce régime, un régime réellement collaborationniste. Ce qui fit le succès du film fut aussi lié à l'histoire d'amour impossible entre Rick (Bogart) et Ilsa (Ingrid Bergman), conclue par une scène mythique sur un aérodrome. Enfin, ce que le film permettait de voir, c'était un casting d'Européens ayant quitté leur pays après l'arrivée au pouvoir d'Hitler ou ses conquêtes militaires. Ainsi Peul Henreid, Peter Lorre mais aussi Ingrid Bergman, Conrad Veidt ou encore Marcel Dalio, non crédité au générique.
C'est cette France héroïque que Tay Garnett présentait dans La croix de Lorraine en 1943 avec Jean-Pierre Aumont, acteur français ayant servi dans l'armée française de 1939 à 1940 et ayant débarqué aux USA en 1942, et avec Gene Kelly, acteur encore débutant. L'histoire montre des soldats français qui sont faits prisonniers par l'armée allemande après qu'ils avaient refusé l'armistice. Certains d'entre eux essaient alors de s'évader tandis que Paul essaie lui de survivre et d'améliorer ses conditions d'emprisonnement en composant avec les nazis. Ce film renvoie à la Résistance des troupes françaises dont certaines se sont rassemblées justement derrière le symbole gaulliste de la croix de Lorraine.
C'est d'ailleurs sur ce même symbole que le film déjà évoqué Passage to Marseille s'ouvre: un avion de guerre vole la nuit en direction de l'Allemagne et passe au travers de la DCA. Une lumière révèle la croix de Lorraine sur le flanc de la carlingue de l'avion, accompagnée par une musique reconnaissable: "En passant par la Lorraine". Le bandeau du pré-générique rend hommage à tous les Français qui combattent l'ennemi nazi, cette France éternelle qui n'a jamais cessé d'exister (sic). Ainsi, dès le début du film, le positionnement est clairement en faveur des FFL et donc de De Gaulle, ce qui contraste avec les positions officielles américaines, du moins avant que de Gaulle ne se soit définitivement imposé comme le seul interlocuteur officiel de la France Libre. Et quand celle-ci est présentée en Angleterre, on montre l'ingéniosité des Français qui réussissent à se camoufler dans la campagne anglaise, échappant de fait aux bombardements allemands! C'est donc bien la position de Churchill qui l'a emporté: faire de la France Libre de De Gaulle la vraie France, renvoyant Vichy à un régime ayant trahi la République.
Enfn, dans Le port de l’angoisse, cette résistance s’appuie sur une organisation secrète, prête à se sacrifier pour sa cause, pour la liberté et malgré la répression allemande. Dans une séquence dans laquelle Bogart / Harry protège un Résistant de la police de Vichy et des nazis, celui-ci fait la démonstration de la victoire inéluctable de la Résistance. En effet, la force de la Résistance réside sur le fait que chaque Résistant n'est qu'un maillon d'une chaîne, que si l'un d'eux meurt, il y en aurait toujours un pour reprendre la mission de sabotage, d'assassinat ou d'évasion de prisonniers. Ces arguments  reprennent clairement ceux d’un des couplets de la Marseillaise, mais aussi du  Chant des partisans dont le texte fut écrit en 1943 par Joseph Kessel et Maurice Druon à Londres.


CONCLUSION
Les efforts de guerre menés par les Américains sont donc présents dans tous les films, présentant leur présence sur tous les fronts, mobilisants toutes les forces vives de la nation.
Mais le cinéma était lui-même une force vive et il était à la fois le témoin et l'acteur de cette mobilisation. Certains réalisateurs tournèrent un nombre incalculable de films pour soutenir l'effort de guerre. Ce fut le cas également pour certains acteurs. D'autres participèrent directement au conflit comme John Ford ou James Stewart. Et surtout,, la production des films était en réaction avec chaque fait de guerre qui pouvait servir à la propoagande alliée. Si bien que le cinéma de cette période pouvait être autant un spectacle qu'une source d'informations imagées de ce que la presse pouvait raconter dans les manchettes des journaux. Toutes les majors contribuèrent à cet effort de guerre mais la Warner fut la plus prolifique. De son côté, le cinéma allemand fit de même, présentant d'ailleurs moins les faits de guerre que des films à portée idéologique, dénonçant le libéralisme et le capitalisme des Anglais et la dégénérescence de la démocratie américaine. Elle mit elle aussi tous les moyens pour maintenir la population allemande dans l'illusion de la victoire. Mais après 1942, les faits contredisaient la propagande nazie.
La production américaine d'après guerre sur le conflit ne manqua pas, magnifiant davantage les hommes que les Etats. Mais ce qui manque, ce sont des films sur les deux barbaries de la guerre: le génocide juif et des peuples jugés comme des sous-hommes et l'usage de la bombe atomique. Si le cinéma aborda le génocide plus tard, il n'y a pas, à ma connaissance, de film de fiction évoquant directement Hiroshima ou Nagasaki, si ce n'est l'allégorie japonaise Godzilla d'Ishiro Honda en 1954 et le film d'Alain Resnais Hiroshima mon amour en 1959 par l'évocation évidente de ce à quoi renvoyait le titre. Mais point de film américain...

A bientôt

Lionel Lacour