vendredi 31 décembre 2010

Chantons sous la pluie

                                                                              
Bonjour à tous

La semaine qui arrive va voir la programmation sur la chaîne satellite Cinécinéma Famiz la comédie musicale Chantons sous la pluie de Stanley Donen à 20h40.
Ce film, que j'avais programmé pour les "lundi du MégaRoyal" en mai 2010 pour un cycle "Comédies musicales" a été projeté à l'ouverture du Festival Lumière 2010 en une copie restaurée éblouissante.

Réalisé en 1952 par Stanley Donen, avec Gene Kelly à la chorégraphie et en premier rôle, ce film est certainement une des plus belles comédies musicales qui ait été tournée.

Le film reprend tout d'abord de très nombreux standards de la culture américaine, à commencer par la chanson qui donne son titre au film et autour de laquelle le film a justement été construit.
Pour tous ceux qui seraient assez rétifs aux comédies musicales, peut-être parce que vous pensez à ces ignominies  qui nous sont proposées sur scène en France depuis des années, prenez le temps de regarder seul, en couple ou en famille ce bijou.

mercredi 29 décembre 2010

Les documentaires sont-ils des documents d'historiens?


Cet article reprend celui que Jean-Pierre Meyniac avait sympathiquement accueilli sur son site http://www.cinehig.clionautes.org/ .
Il m'a semblé intéressant de le proposer à nouveau sur ce blog car il présentait différents points de droit vis-à-vis du cinéma, notamment pour ce qui concernanit le débat sur le film Le cauchemar de Darwin.

Lors de l’émission « la fabrique de l’Histoire » du jeudi 10 décembre 2009 intitulé « Historiens et réalisateurs face aux documentaires historiques », plusieurs intervenants ont débattu montrant de fait les rapports difficiles entre l’Histoire et une forme de représentation audiovisuelle.
Parmi les invités de l’émission se trouvait Laurent Véray, historien du cinéma et président de l’ « Association française de recherche sur l’histoire du cinéma », qui publie notamment le revue 1895. Laurent Véray est également réalisateur de films documentaires dont L’héroïque cinématographe réalisé en 2003. Olivier Bouzy, directeur adjoint du Centre Jeanne d'Arc, chargé de cours à l'Université d'Orléans et qui intervint régulièrement dans des documentaires sur Jeanne d’Arc, Serge Viallet, réalisateur de documentaires historiques comme Nagasaki réalisé en 1995 et Jean-Marie Salamito, professeur d'Histoire à l’Université Paris IV-Sorbonne et auteur d’une critique de la série documentaire L’apocalypse, série documentaire sur les débuts du christianisme réalisé par Gérard Mordillat et Jérôme Prieur, complétaient la liste des débatteurs.
La question posée par le débat peut se résumer assez facilement autour d’une problématique assez claire : un documentaire est-il ou peut-il être un travail d’historiens ?
A cette question, plusieurs points ont alors été abordés. Il ne s’agit pas de reproduire ici l’ensemble des propos tenus mais bien de les résumer et de les commenter.
En effet, depuis plusieurs années, j’ai créé des conférences autour du thème « Histoire et Cinéma » à l’Institut Lumière et rédigé quelques articles sur la nécessité pour les Historiens de s’approprier les sources filmiques comme matériau d’analyse. Mon travail est essentiellement sur le film de fiction que j’analyse comme source de son temps de production ou de projection. Mais le traitement de l’image documentaire n’est pas si différent.

En première remarque, j’insiste sur une affirmation essentielle de Laurent Véray. Un film est un point de vue de réalisateur. Ceci est vrai quelque soit le type de film, de fiction ou documentaire. Ce point de vue obéit à des contraintes propres au genre audiovisuel et peut difficilement accepter les nuances et confrontations des « thèses ». Ce qui a été reproché à Prieur et Mordillat par Jean-Marie Salamito a été de défendre une thèse qu’il qualifie lui-même d’éculée, à savoir la trahison du message de Jésus par ses continuateurs immédiats. Or Jean-Marie Salamito n’a pas pu apporter une quelconque autre anti-thèse bien qu’Emmanuel Laurentin, le journaliste animant « La Fabrique de l’histoire », le lui ait demandé. Non qu’il n’en défende pas une, son livre Les chevaliers de l’Apocalypse, réponse à MM. Prieur et Mordillat le démontrant très bien, mais justement, parce qu’il s’est lui aussi trouvé dans une contrainte liée à la nature du débat radiophonique.
Le cinéma et les productions audiovisuelles ne peuvent faire que travail d’une Mémoire, d’une démocratisation de l’Histoire marquée, Laurent Véray l’a également signalé, par l’historiographie du temps de production. Il ne suffit que de regarder les différentes approches de la Révolution française au cinéma pour s’en persuader ! Quoi de commun dans les thématiques abordées par Renoir dans La Marseillaise en 1937 avec le diptyque de Robert Enrico en 1989, Les années Lumières et Les années Terribles ?
Dans ces deux exemples de films de fiction, on peut trouver une foule d’informations impressionnante. Mais en aucun cas un film, même en plusieurs épisodes ne pourrait rivaliser en volume d’informations avec une thèse, une somme voire un simple manuel d’Histoire. Cette évidence entraîne alors un constat qui rejoint une des questions du débat, à savoir la possible collaboration entre historiens et documentaristes. Or celle-ci ne peut pas exister selon les formes désirées par certains des intervenants, pour la bonne raison que l’historien n’a pas de limite de volume dans son travail qui peut s’adresser à un nombre faible de lecteurs. Il n’en va pas de même pour les films, de fiction ou documentaires qui ont des contraintes de durée et économiques de production.


La volonté de ne pas forcément être narratif dans l’approche historienne telle que Olivier Bouzy l’a exprimée est elle aussi peu en adéquation avec les impératifs de la production filmique qui reste un « spectacle » devant lequel le spectateur essaie de s’instruire tout en y trouvant un certain plaisir de divertissement. Pour l’historien, la chronologie est un canevas sur lequel va reposer l’analyse historique selon une méthodologie qui a d’ailleurs varié régulièrement. Pour le spectateur, de cinéma ou de télévision, la maîtrise de la chronologie est déjà en soi une certaine maîtrise du sens de l’Histoire. L’analyse que le documentaire peut apporter doit le plus possible avoir une progression chronologique. Une collaboration entre historien et documentariste ne peut donc en aucun cas aboutir à un résultat pleinement satisfaisant pour un travail d’historien en ce sens où les nuances disparaîtraient ou s’effaceraient forcément face aux nécessités du récit filmique qui peut difficilement être polysémique. Ainsi, Le chagrin et la pitié est contestable en soi si on le prend comme objet unique d’une Histoire qui se voudrait globale. Il a eu néanmoins le mérite de montrer certaines vérités jusque là dissimulées de la mémoire française. Il y a eu pourtant bien des coupes des interviews, du montage, des informations connues du réalisateur mais qu’il a sciemment occultées pour servir son propos. Ce documentaire doit-il pour autant être invalidé au regard des manques, des coupes, des points de vue d’Ophüls ? Quel sentiment les spectateurs ont-ils pu avoir à la sortie du film sinon que la majorité des Français avait collaboré ou accepté l’occupation sans grand mal ? Ophüls nous a raconté « une » Histoire de la France pendant l’occupation. Mais elle n’est qu’un aspect de cette Histoire de France. L’impression qui en ressort est exagérée par le support filmique qui assène sans laisser beaucoup de temps aux spectateurs de réagir au message du film. Tous les documentaires ayant recours à des coupes d’informations voire à leur évacuation pour des raisons en effet de point de vue de l’auteur, la seule solution serait-elle alors que les Historiens réalisent des documentaires ?

Ce qui m’amène à un point important du débat. Jean Marie Salamito a réagi à cette idée en ne voyant pas pourquoi il devrait utiliser le support audiovisuel pour faire de l’Histoire.
Faire de l’Histoire doit se prendre ici selon deux acceptions. Pour la première, il s’agirait de substituer au livre comme support de la pensée un support audiovisuel. On peut comprendre certaines réticences de faire de l’Histoire ainsi car cela peut en effet poser des problèmes, tant du point de vue de la maîtrise de la forme audiovisuelle que de la durée d’un documentaire qui respecterait scrupuleusement la méthode historienne de confrontation de toutes les sources disponibles. Mais faire de l’Histoire avec des « images qui bougent », c’est aussi prendre le film comme source de l’Histoire. Plusieurs des invités ont rappelé les vœux restés pieux d’un enseignement de ce langage audiovisuel à l’Université. Ils ont regretté que les travaux de Marc Ferro et notamment ses émissions d’analyse des archives n’aient pas été assez continuées par d’autres historiens. Mais la réaction de Jean-Marie Salamito relève surtout d’un ultra-conservatisme des historiens à l’égard du matériau audiovisuel, matériau à la fois comme support de pensée et comme source historique. Laurent Véray affirmait justement qu’un film ne s’analysait pas comme un texte ou une image fixe. Le langage cinématographique n’est pas très élaboré mais il impose néanmoins une formation pour établir une lecture différente de la simple liste des détails visuels. Et l’écriture textuelle de ces observations ne permettra jamais au lecteur de comprendre l’impact de l’image. Sorlin parlait de « l’effet cinéma » dans Sociologie du cinéma.. Cela devrait imposer une nouvelle approche de l’étude du XXème siècle, et ceux à venir, en utilisant le mode « multimédia » car l’Histoire se fait de plus en plus avec des documents audiovisuels. Nous pouvons prendre des exemples symboliques mais qui pourraient se multiplier sur des cas plus modestes. Ainsi, l’assassinat de Kennedy a eu d’autant plus d’impact sur nos contemporains que l’image a été diffusée jusqu’à aujourd’hui, parfois jusqu’à l’écoeurement. Désormais, l’Histoire se construit aussi avec des documents qui participent immédiatement à la construction de la mémoire collective. Plus récemment, les attentats du 11 septembre 2001 ont été l’occasion de la production d’une masse de documentaires réalisés avec des milliers de documents amateurs. On est loin des gravures représentant l’assassinat d’Henri IV qui étaient les seules représentations de cet événement et qui construisaient une mémoire sur un support autant artistique qu’historique !

Enfin, le genre documentaire pose de vrais problèmes aux historiens pour des raisons fondamentales. L’accès aux sources est de plus en plus facilité par la numérisation des différents supports, livres, enluminures, archives etc. Les ouvrages d’historiens sont eux aussi plus facilement consultables car internet permet à certains passionnés de mettre sur leurs sites des bibliographies quasiment exhaustive sur des thèmes pointus. Cette appropriation de ce savoir n’est pas sans problème scientifique car elle permet le meilleur comme le pire. Le meilleur étant la démocratisation, apparente, du savoir. Le pire étant la non maîtrise des sources, leur non hiérarchisation et les erreurs d’interprétation et d’analyse. Appliqué aux documentaires, ce recours aux archives offre une possibilité plus grande aux réalisateurs qui peuvent alors mettre en forme selon leur point de vue leur vision de l’Histoire. Ce qui pose problème aux historiens est alors évident. L’abondance, apparente, des sources de ces documentaires, la maîtrise du langage cinématographique, le montage notamment, et l’intervention d’experts reconnus semblent faire de ces documentaires de véritables travaux d’historiens. A juste titre, ceux-ci, formés à l’université, estiment que la méthodologie historienne manque pouvant même trahir le discours historique.
Or ils commettent finalement une erreur assez grande mais compréhensible. Si les historiens comprennent que la fluidité de l’image audiovisuelle a changé notre rapport au monde, peu d’entre eux accepte de devoir en passer par une autre manière de faire de l’Histoire d’un monde qui a généré tant d’images, en mouvement de surcroît. De plus, quand bien même ils réaliseraient leurs propres documentaires, plus coûteux à réaliser que la publication de livre ou de thèses, ils n’élimineraient pas la production de documentaires, sérieux ou fantaisistes, sur l’Histoire. Dès lors, au lieu de craindre une autre « apocalypse », il vaudrait mieux comprendre que le documentaire, quel qu’il soit participe à la construction d’une mémoire collective. Que le succès ou l’échec d’un documentaire s’explique à la fois par la qualité formelle et par ce que le spectateur est prêt à entendre. Le succès de L’apocalypse de Mordillat et Prieur ne peut s’expliquer que par le questionnement de nos sociétés sur la construction des religions. Cette série témoigne d’une époque. Il est peu probable qu’une telle série eût pu être produite dans les années 1950 !
Mais en réalité, ce qui effraie le plus les historiens, c’est que l’image documentaire semble « vraie ». En cela, leurs frayeurs sont sinon justifiées, en tout cas explicables par l’importance grandissante qu’on accorde aux documentaires comme source de vérité, justement à cause de la véracité des images. Le cauchemar de Darwin est un exemple presque parfait de cela. L’Occident entier s’auto-flagellait après sa sortie et chaque critique y allait de son verbe pour fustiger ce monde libéral néocolonial. C’était oublier que ce film n’était qu’un film, avec un point de vue, avec ses manipulations cinématographiques. François Garçon, premier encenseur du film fut celui qui réagit le plus virulemment ensuite pour démonter le documentaire dans Enquête sur le cauchemar de Darwin, publié en 2006. Poursuivi en justice pour diffamation par le réalisateur, François Garçon perdit ses procès. L’argument motivant sa condamnation à la cour d’appel de Paris le 11 mars 2009 ne manque pas d’intriguer :
« [François Garçon ne disposait] manifestement pas d'une base factuelle suffisante pour formuler à l'encontre du réalisateur une telle accusation de manipulation des enfants et de tromperie sur la réalité des situations qu'il a filmées [Sur la bonne foi, François Garçon qui est professeur aurait dû disposer d'une base factuelle suffisante et tenir compte de la nature de l'œuvre de Hubert Sauper, qui n'est pas un documentaire didactique mais un documentaire de création] »
La justice, par ses attendus, place l’œuvre documentaire comme œuvre de création et non comme œuvre scientifique, entendu ici de sciences humaines. Or la perception des spectateurs n’est en aucun cas celle d’une œuvre artistique. Et la condamnation de François Garçon confirme bien l’ambiguïté du documentaire : œuvre de création (d’invention ?) du point de vue juridique, œuvre scientifique ou politique pour les spectateurs. On comprend alors les inquiétudes des historiens face aux documentaires.

Pourtant, et pour conclure, il faudrait comprendre que le temps du documentaire n’est pas celui de l’historien. Celui-ci peut travailler des années, voire des décennies sur un même thème, y revenir, voire contredire ses premières conclusions au gré de ses recherches ou de sources nouvelles. Le documentariste travaille rarement au-delà de plusieurs mois. Son travail se rapproche davantage du compilateur qui peut avoir dans le meilleur des cas un point de vue. Peu importe la validité historique de ce point de vue. Nous l’avons vu, les contraintes des films, documentaires comme fictions d’ailleurs, obligent presque obligatoirement les réalisateurs à être en phase avec un public cible. Inconsciemment, ces réalisateurs peuvent réaliser des documentaires sur Jésus en 2008 mais constituer une source remarquable pour les historiens étudiant plus tard… le XXIème siècle et ses rapports au christianisme. Ce temps du documentaire est donc en corrélation avec celui de son époque. Le documentaire aura instruit, diverti et sera oublié pour l’essentiel par les spectateurs qui retiendront, pour reprendre L’apocalypse, que le message de Jésus a été trahi pas ses disciples. Jusqu’à ce qu’un autre documentaire apporte une autre thèse, tout aussi simplifiée. Le temps de l’Histoire est un temps long, celui du documentaire est un temps de l’immédiateté du spectateur. Ce téléscopage temporel inévitable fait qu’il y aura toujours ce débat sur les documentaires, œuvres de mémoire qui « trahissent » l’Histoire.

Lionel Lacour

lundi 27 décembre 2010

Les 2èmes Rencontres Droit Justice et Cinéma

Bonjour à tous,


Du 8 au 11 mars 2010 ont eu lieu les Premières Rencontres Droit Justice et Cinéma.

Le but de ces Rencontres est de montrer comment le cinéma présente les problématiques judiciaires et les acteur de ce monde pour ensuite en débattre avec des spécialistes tant du droit et de la justice que du cinéma.

Trois projections débats ont été proposées: Garde à vue, The constant gardener et Un prophète.

Une conférence sur le thème "Droit Justice et Cinéma face à l'évolution des moeurs" a permis de clore ces Rencontres qui ont été un franc succès, tant pour les organisateurs et les partenaires, l'Université Jean Moulin - Lyon 3, le Barreau de Lyon, le cinéma Comoedia et l'Institut Lumière, que pour les spectateurs qui ont pu écouter les commentaires du réalisateur Yves boisset, les précieuses anecdotes du journaliste Jean-Jacques Bernard et les interventions des magistrats et avocats de Lyon, ainsi que des universitaires, industriels et autres dirigeants d'associations.

Cette première édition a enfin été parrainée par Pierre Truche, Premier Président Honoraire de la Cour de Cassation, et surtout Lyonnais!

C'est donc fort de la réussite de la première édition que les organisateurs et partenaires ont décidé de relancer l'aventure, entraînant avec eux la Cour d'Appel de Lyon et la Chambre des Notaires du Rhône pour des Rencontres qui se tiendront du 21 au 25 mars 2011, sous le haut patronage de Robert Badinter. Celui-ci ouvrira les Rencontres à l'Université Jean Moulin - Lyon 3 par une conférence sur "L'instant criminel au cinéma", présentée par Jean-Jacques Bernard, rédacteur en chef de Ciné Ciné Classic.
Le reste du programme très bientôt, avec nos salles partenaires et nos invités pour les débats qui suivront chaque projection.
A très vite donc!

Lionel Lacour

"La vérité n'est jamais amusante sinon tout le monde la dirait" Michel Audiard, Les barbouzes

mercredi 22 décembre 2010

Du silence et des ombres: chef-d'œuvre indispensable

Bonjour à tous,

En 1963 était projeté Du silence et des ombres au festival de Cannes.
Ce film de Robert Mulligan était l'adaptation du livre d'Harper Lee To kill a mocking bird, best seller et monument de la littérature américaine.
La musique de ce film est une splendeur et est de Elmer Bernstein, compositeur entre autres de le BO des Sept mercenaires. Vous pouvez l'écouter ou la télécharger sur:
http://www.musicme.com/#/Elmer-Bernstein/albums/To-Kill-A-Mockingbird-0884463074507.html

Ce film sera projeté pour les séances lycéennes des deuxièmes Rencontres Droit Justice et Cinéma le jeudi 25 mars 2011 à l'Institut Lumière.
Mais si ce film est une œuvre merveilleuse pour les enfants, c'est surtout une formidable expérience de cinéma qu'étrangement, la France a quasiment oublié. Il faut remercier Lost Films Distribution et l'excellent travail de Marc Olry pour l'avoir ressorti cet été 2010.

BANDE ANNONCE:


ATTENTION:
L'ANALYSE CI-DESSOUS RÉVÈLE BEAUCOUP D'INFORMATIONS SUR LE FILM.

Le film raconte l'histoire de la famille Finch. Le père, Atticus, avocat, a perdu sa femme et vit avec ses deux enfants, son garçon Jem, âgé de 10 ans et sa fille Scout âgée elle de 6 ans.
Deux histoires s'entremêlent assez rapidement: Scout et Jem souhaitent découvrir, avec leur camarade Dill, leur voisin Boo Radley, un jeune homme qui vit enfermé dans sa maison sans que personne ne le voie. De son côté, Atticus Finch, le père, avocat, est chargé de défendre le cas de Tom Robinson, un noir accusé de viol sur une femme blanche.

Une histoire de la crise des années 30
L'action se déroule en 1932, juste après le krach boursier de 1929 et la grande dépression qui a suivi. On est dans le vieux sud ségrégationniste, dans une petite ville de l'Alabama: Maycomb.
Le tableau de cette crise présente des paysans trop pauvres pour pouvoir payer ce qu'ils doivent autrement qu'en nature. Ainsi, dès la première séquence, l'un d'eux paie son avocat en noix en compensation du travail fournit par ce dernier pour régler les questions de succession suite au décès de la femme du paysan.
Pour compléter le tableau d'une population frappée par la misère, le fils de ce paysan, invité à déjeuner par Jem, s'émerveille de manger du rôti, ce qu'il n'a plus fait depuis des mois, se contentant de manger des écureuils chassés avec son père.

Une histoire de ségrégation
Il est question encore de champs de coton dans lesquels travaillent des noirs vivant à l'écart des blancs. Cette ségrégation s'observe à l'occasion de l'affaire qu'a en charge Atticus Finch. En effet, Tom Robinson est un noir. Or son inculpation relève ouvertement du racisme le plus primaire, ses accusateurs manifestant à son encontre comme à celui de son défenseur, des propos sans ambiguïté.
Tom risque même d'être lynché avant son procès par les paysans qui soutiennent Ewell, le père de la supposée victime. Lors du procès, le procureur montre bien qu'un noir ne vaut pas un blanc.  En effet, alors que vient d'être démontré l'impossibilité pour Tom d'avoir violé Mayella, le procureur lui demande pourquoi il était venu l'aider avant que le supposé viol n'ait lieu. Quand Tom répond qu'il a eu pitié d'elle, la réaction du représentant de l'État témoigne de la réalité du racisme: "vous avez eu pitié? D'une femme blanche?"
Visuellement, Mulligan utilise la topographie du tribunal. Ainsi, la ségrégation apparaît par le fait que les Blancs se trouvent dans la partie basse du bâtiment, comme participant aux débats tandis que les Noirs occupent les balcons, espace marginal faisant d'eux des spectateurs du procès.

Un film humaniste
Si blancs et noirs forment deux communautés manifestement distinctes géographiquement ou topographiquement, la famille Finch semble être le lien entre elles. Atticus, le père, n'hésite pas une seconde pour défendre Tom. Il s'insurge contre le vocabulaire "nègre", il parle de Tom Robinson comme d'un homme et non comme d'un Noir.
Ses enfants semblent également indifférents à toute forme de racisme. Jem engage un très bref contact avec le fils de Tom quand il le rencontre. De même, Jem, Scout et Dill assistent au procès avec la communauté noire, au balcon.
Cette tolérance apparaît à l'écran aussi par le rôle donné à l'employée de maison d'Atticus, Calpurnia. C'est une femme noire aux antipodes de la domestique de Scarlett dans Autant en emporte le vent. Calpurnia joue un vrai rôle éducatif pour les enfants d'Atticus et n'hésite pas à tancer Scout quand elle agit mal. Atticus la raccompagne même le soir chez elle en voiture.

Outre ses propos antiracistes, le film évoque une autre ségrégation, celle des déficients mentaux. Si le cas de Tom est accompagné des caractéristiques classiques du racisme (les Noirs sont des violeurs de blanches), le cas de Boo Radley est lui aussi présenté avec sa litanie de poncifs: il est dangereux, il bave, il est grand, il a une balafre... Si les préjugés envers Tom sont démontés au cours du procès en un peu moins de trois quart d'heure, ceux vis-à-vis de Boo sont battus en brèche tout au long du film.

Un héros américain pas comme les autres
Le grand rôle de la carrière de Gregory Peck est celui d'Atticus Finch pour lequel il obtint l'Oscar du meilleur acteur. Son personnage est le préféré des Américains. Pourtant, il semble être aux antipodes des héros classiques interprétés par John Wayne, Gary Cooper ou Steve McQueen.
Doué essentiellement selon sa fille dans le raisonnement et sa capacité a expliquer les choses, Atticus n'a aucune des qualités requises dans les films d'Hollywood: il ne se bat pas et interdit à ses enfants de le faire, il ne manifeste aucun talent particulier de séduction vis-à-vis des femmes, il n'est pas un personnage solitaire, il n'est pas armé et refuse que ses enfants le soient.
Pourtant, on apprend tout au long du film qu'il a ces qualités qu'ignorent ses enfants: il est le meilleur tireur du comté, il a le courage d'affronter seul un groupe de paysans venus lyncher Tom, il a manifestement une histoire amoureuse avec sa voisine Maudie. Mais ses qualités restent volontairement discrètes, voulant éviter d'influer négativement sur ses enfants ou de les choquer. Pour ne prendre que l'exemple de Maudie, cette relation se comprend par sa présence au sein de la famille Finch à des moments importants comme le jour de la rentrée des classes notamment, semblant se substituer au rôle de la mère.

Un film à hauteur d'enfant
Tous les amateurs du film de Charles Laughton La nuit du chasseur trouveront des ressemblances esthétiques et de point de vue dans de nombreuses séquences du film.
En effet, l'histoire de Tom Robinson défendu par Atticus semble se superposer à la véritable trame narrative du film qui implique d'abord les enfants: à quoi ressemble Boo Radley?
Cette quête menée du début à la fin conduit les enfants à affronter tous les dangers, ceux de leur âge. Quand ils décident d'aller voir Boo Radley par sa fenêtre, ils y vont la nuit. Et tout prend alors des proportions démesurées, les bruits nocturnes sont un véritable vacarme, les ombres sont dignes de celles de Nosferatu, le trajet d'une maison à l'autre semble une véritable odyssée. La musique d'Elmer Berstein accompagne comme les plus grands thrillers les peurs des enfants qui ne cessent jamais de courir dès qu'ils ont peur.
La découverte d'indices concernant Boo les amène à changer petit à petit leur point de vue quant à Boo Radley, jusqu'à la scène finale, que certains pourraient voir comme un happy end mielleux mais qui de fait est une séquence optimiste et humaniste loin de la niaiserie.
Mais c'est surtout le rôle que jouent les enfants vis-à-vis du père qui fait de ce film un grand film.
Scout joue le garçon que Atticus son père, se refuse d'être. Elle se bat pour l'honneur de son père, contre le racisme. Elle se bat physiquement, tandis que son père lui rappelle régulièrement qu'aucun conflit, qu'aucun antagonisme ne se règle par la violence. La franchise de Scout en fait un personnage direct, honnête mais qui n'a pas encore appris ou compris l'intérêt d'un monde civilisé.
De son côté, Jem joue à bien des égards le rôle de la mère de Scout ou de l'épouse d'Atticus. Protecteur de sa sœur qu'il accompagne à une soirée d'Halloween, il veille aussi tout le long du film à la sécurité de son père, l'accompagnant dans ses visites auprès de la famille de Tom Robinson.
Ce sont enfin ces enfants, aidés de Dill, qui vont soutenir et aider Atticus à affronter les paysans voulant lyncher Tom avant son procès, quitte à s'opposer aux ordres d'Atticus. Au courage de Jem répond la candeur de Scout interpellant un paysan qu'Atticus aidait dans ses affaires de succession.
Du silence et des ombres est donc un film à hauteur d'enfants mais duquel le monde des adultes n'a pas disparu, bien au contraire. Il s'est imposé à eux.

Un film de son temps?
Si l'esthétique est, comme il a été précisé déjà, proche du film de Laughton, Du silence et des ombres correspond à une période charnière de la production américaine. Par exemple, le film s'inscrit dans cette nouvelle approche cinématographique de faire du générique la première séquence du film. Pas d'image fixe sur laquelle apparaissent les crédits classiques d'un film, mais au contraire, une composition très esthétique d'éléments qui se retrouveront au milieu du film, véritablement mis en scène pour qu'on comprenne que l'important est bien le point de vue des enfants tout en l'oubliant aussitôt pour mieux s'en souvenir à la fin.
Un des sujets traités par le film, le procès d'un Noir injustement accusé a déjà été abordé, par exemple par John Ford dans Le sergent noir mais aussi par un cinéaste contemporain de Mulligan, Sydney Lumet dans Douze hommes en colère. Sujet d'actualité lié aux mouvements des noirs américains pour la conquête des droits civiques et la fin de la ségrégation, dans les trois films, un Noir sera accusé injustement et défendu de fait par un blanc. Le traitement de Mulligan est pourtant plus original quant à sa conclusion.
L'héroïsme selon Mulligan est aussi très en avant garde dans le cinéma américain. Son personnage principal n'est pas ce héros de l'ouest qui s'impose par la force et par ce qui relevait de la virilité. Atticus est un héros civilisé, qui se bat par la loi et par la morale. Il est en quelque sorte le pendant de James Stewart face à John Wayne et Lee Marvin dans L'homme qui tua Liberty Valance de John Ford, encore lui. Atticus Finch ouvre la voie à d'autres héros du cinéma américain, plus cérébraux.

Une structure scénaristique originale
Le film se décompose en trois temps de durées inégales.
Le premier temps est essentiellement centré sur les enfants et leur envie de rencontrer Boo Radley. En arrière plan se profile le cas de Tom Robinson. Mais cela n'apparaît vraiment que de manière très périphérique.
Le deuxième temps est marqué par le procès de Tom durant lequel, pour la première fois, les enfants ne sont que spectateurs, laissant à Atticus le rôle principal.
Le dernier temps relate une aventure que connaissent le frère et la sœur qui révélera la solution des différents mystères proposés par le film.
Au premier regard, le verdict marque le climax du film, suivi d'un épilogue très pessimiste. Le troisième temps pourrait être alors perçu comme un "bonus" de l'histoire, soit plus de vingt minutes pendant lesquelles nous vivons une autre aventure des enfants Finch, jusqu'à ce que la conclusion de ce troisième temps  apporte toute sa cohérence à l'oeuvre. En effet, ces vingt minutes sont loin d'être un rajout. C'est surtout le temps du procès qui est finalement un moment en dehors de la trame narrative. Dès le générique, puis dès la rencontre entre Jem et Scout avec leur voisin Dill, le spectateur sait que l'objectif des héros est de connaître Boo Radley. Or, à l'issue du procès, nous ne savons toujours rien de lui. C'est donc toute la magie de la mise en scène de Mulligan que de nous faire croire que le procès est l'aboutissement du film.
Après les interrogatoires croisés, Atticus Finch fait son plaidoyer en s'adressant au jury, sans que jamais le contre-champ sur ce jury n'apparaisse clairement. Les spectateurs de la salle deviennent le jury. Forcément en accord avec les arguments de l'avocat de Tom Robinson. C'est cette implication dans ce plaidoyer qui fait que le spectateur peut croire que l'enjeu du film est bien le résultat du procès. À l'énoncé du verdict, dont on ne peut ici révéler la teneur, mais qui ne peut être une surprise dans le déroulé du film, Mulligan réussit une suite de plans d'une dignité magistrale, tant dans la mise en scène que dans ce qu'elle renvoie de la communauté noire et de Finch.

Ces trois temps du film ont également un sens quant à l'organisation des informations que nous donne le scénario. Ainsi, chaque élément qui est donné dans le premier temps se retrouve dans le troisième, avec sa signification appliquée. Quand dans la première partie du film Atticus explique  à Scout qu'un compromis n'est pas une entorse à la règle mais un accord entre deux personnes, c'est pourtant bien la définition de Scout qui semble être en œuvre lorsque justement un compromis est proposé par le Shérif à Atticus à la fin du film.
Toujours avec Scout, Atticus explique qu'on ne doit pas se battre, même si on traite quiconque de nègre. Et que c'est par les arguments qu'on fait avancer les idées. Et qu'enfin, il n'aurait pas pu regarder ses enfants ni marcher la tête haute s'il avait refusé de défendre Tom Robinson, un Noir, malgré le regard désapprobateur de la communauté blanche.
Toute cette explication morale et civique se passe dans la première partie du film. Elle en trouve son écho dans la troisième partie, après le verdict, quand, devant chez Tom Robinson, Atticus répond paradoxalement avec dignité aux provocations du père de le jeune femme supposée avoir été violée, en ne se battant pas, malgré son évidente supériorité physique.
Enfin, le titre original du film To kill a mocking bird est évoqué deux fois: la première quand Atticus explique à son fils qui voulait un fusil que c'est un "péché que de tuer un oiseau moqueur" car cet oiseau ne chante que pour le plaisir des hommes sans lui nuire autrement. Cette expression est réutilisée une seconde fois par Scout à la toute fin du film, donnant un sens concret à cette expression en l'adaptant à la situation du film.

Vous le comprendrez, ce film est une petite merveille méconnue en France. Il est juste un incontournable dans la culture américaine.

À très bientôt

Lionel Lacour

mardi 14 décembre 2010

Mon premier pas dans le blog cinésium!

Bonjour,

voilà, je décide de venir sur la blogosphère.

Ce blog aura pour objectif de vous présenter les différentes activités de Cinésium que j'ai créé en 2008.

Bien des projets autour du cinéma sont en train d'aboutir et je viendrai régulièrement vous en donner les informations les plus récentes.
Par exemple, c'est en tant que délégué général des Rencontres Droit Justice et Cinéma qui sont organisées par l'Univeristé Jean-Moulin Lyon 3 avec le barreau de Lyon, en association avec la Cour d'appel de Lyon et la Chambre des notaires du Rhône que je vous annonce que Robert Badinter viendra ouvrir ces Rencontres par une conférence intitulée "L'instant criminel au cinéma".
Je vous tiendrai au courant rapidement des autres invités et des différentes soirées. Retenez déjà que seront programmés des films comme Welcome, Les tontons flingueurs ou encore L'ivresse du pouvoir.
Ces Rencontres auront lieu du 21 au 25 mars 2011 à Lyon.

Mais Cinésium, c'est aussi des conférences "Histoire et Cinéma" organisées dans tous les lycées et collège de France pour comprendre l'Histoire contemporaine à partir de son cinéma.

Cinésium, c'est encore les "Lundis du Mégaroyal" à Bourgoin Jallieu en mai, avec des projections suivies d'analyses filmiques. En 2009, les lundis présentaient les western. En 2010, les comédies musicales américaines étaient mises à l'honneur. Et pour 2011? Surprise...

Bien d'autres événements vous seront annoncés.
Mais ce blog permettra également à ceux qui veulent écrire des articles sur des thèmes liés au cinéma et aux sciences sociales de publier leurs articles.


Et pour plus d'informations sur cinésium, vous pouvez toujours consulter le site www.cinesium.fr .

A très bientôt pour discuter et s'informer sur le cinéma autrement: billets d'humeur, coup de coeur, actualité cinématographique, événements...

Lionel Lacour